Baptiste bodin
Site internetQuelques mots pour te décrire...
Je suis Baptiste Bodin, angevin d’origine mais je vis actuellement à Lille, j’ai 26 ans.
Quel regard portes-tu sur ton parcours ?
J’ai fait une PRÉPA et un BTS Design Graphique à l’atelier, je suis ensuite parti en post-diplôme - DSAA à la Souterraine, cette école adoptait une philosophie qui était orientée éco-conception.
Peu de temps après mon diplôme, j’ai réussi à intégrer une agence, même si j‘y suis en tant que designer indépendant. Aujourd’hui je suis donc dans la vie active et ça se passe plutôt bien.
Quelle place a eu l’atelier au sein de celui-ci ?
Le parcours à l’atelier a été très important. Lorsque je suis sorti du BAC j’ai voulu rentrer dans une école en arts appliqués mais je n’avais pas forcément le niveau. J’ai donc poursuivi en licence d’histoire de l’art car j’ai toujours été passionné par les arts mais je me suis rendu compte que la théorie ne me suffisait pas, et qu’il fallait que j’entre dans une école où il y avait aussi de la pratique. La même année l’atelier fêtait ses 1 an dans ma terre d’origine !
J’ai directement postulé et j’ai eu un RDV peu de temps après avec le directeur Jérôme Houadec, c’était un contact extrêmement humain, ce qui m’a donné confiance.
Lors de la PRÉPA vu que c’est une mise à niveau on brasse un peu tout, moi j’étais encore hésitant je ne savais pas si je devais partir en design d’espace ou si je restais à l’école pour poursuivre en design graphique.
Au fur et à mesure de l’année le design graphique a eu raison de moi et je me suis vraiment plu dans ce qu’on pouvait me projeter en BTS notamment via les travaux des autres étudiants et j’ai poursuivi.
Je ne regrette pas une seule seconde !
Une anecdote ou un souvenir particulier à nous raconter ?
Lors de la première année de BTS, on a travaillé sur les affiches du Secours Populaire de Pierre Bernard, exercice purement technique. Le graphisme proposé par Pierre Bernard m’a totalement retourné !
J’étais choqué parce que je trouvais que c’était un design tellement vivant, spontané, et qui parlait enfin pour une cause connue (mais pas toujours valorisée) en total contraste avec la publicité commerciale. Là on était vraiment sur quelque chose de social et ça m’a vraiment marqué, je me suis plu a réaliser cet exercice.
C’était un vrai plaisir, j’ai pris conscience des possibilités du design graphique, lorsqu’on parle de travailler la matière...
Et finalement pour le projet de diplôme de la deuxième année de BTS j’ai décidé de travailler sur un projet qui me tenait à cœur, c’est le mouvement Hip-Hop qui est aussi un mouvement qui est peu valorisé, où il y a une très forte revendication.
Cela faisait écho au travail de Pierre Bernard, dans l’idée en tout cas de travailler pour des personnes invisibilisées, c'était vraiment un travail sociétal.
Quel rôle peut jouer le design dans la société actuelle ?
Nous sommes des messagers de l’image, c’est elle qui est notre moyen de communication, on peut revendiquer certaines choses.
J’ai toujours travaillé durant mes années d’études en adoptant un point de vue social et citoyen ou pour des causes qui avaient besoin d’un porte-étendard, pour moi c’est vraiment le plus important.
J’ai toujours détesté les publicités commerciales, vendre un produit pour la consommation j’ai extrêmement de mal... savoir jouer avec les figures de styles, les codes très précis, tout ça pour vendre un objet qui n’est pas élémentaire pour notre vie.
Ta dernière émotion graphique ou artistique ?
Récemment j’ai été voir le musée Magritte, j’y ai découvert qu’il était affichiste à une époque, son travail m’a vraiment surpris, je connaissais uniquement ses œuvres emblématiques. J’ai donc compris qu’avant de réaliser tout son travail lié à l’art il avait finalement travaillé en tant que graphiste.
Étant donné que c’était au début de son parcours, j’ai pu remarquer son évolution picturale au fur et à mesure, autant d’un point de vue typographique que graphique, comment synthétiser une forme, la rendre simplifiée pour être la plus évocatrice.
Je suis aussi pas mal influencé par tout ce qui se fait dans la mode, on parlait de claque visuelle tout à l’heure moi c’est le défilé Jacquemus réalisé l’année dernière dans le champ de lavande qu’il a réitéré cette année dans un champ de blé, j’adore ce qu’il propose, enfin il sort d’un truc assez figé, afin de faire partager un souvenir d’enfance grâce à une immersion authentique. Nous vivons littéralement un bout de son histoire dans ces champs. Ainsi les émotions visuelles procurées sont décuplées et créent un moment assez magique pour tout le monde, acteurs/spectateurs.
Comment vis-tu ta curiosité dans ce contexte actuel mis à mal depuis plusieurs mois ?
Instagram a pas mal révolutionné le domaine de la communication, on ne vas pas se mentir aujourd’hui un Instagram est limite plus important qu’un site web pour communiquer.
Je passe beaucoup de temps sur insta à regarder les différents studios graphiques du monde. Pendant la période de confinement où il y avait peu de choses de sortie en print, insta a été une plateforme assez importante pour la diffusion d’œuvres graphiques et autres. Même si parfois c’était peut-être un peu gratuit je me suis dit «comment va-t-on réussir à retrouver un peu de sens derrière ça ?», j’aime qu'il y est un certain sens derrière chaque production.
C’était tout de même un soulagement de pouvoir se libérer graphiquement des contraintes professionnelles et autres, afin de faire des choses un peu plus spontanées sans se prendre trop la tête.
Une influence ou une référence à nous faire partager ?
Bureau Nuits, un studio bordelais assez minimaliste, j’aime beaucoup les mises en situation qu’ils font de leurs projets.
Comme j’adore le rap, je dois forcément nommer Mister Fifou, le roi des covers d’album mais aussi Rægular dans un autre style, mais hyper efficace visuellement.
Je m’inspire aussi du mouvement GRAPUS.
Comment définis-tu ton métier aujourd’hui ?
J’ai toujours eu du mal à définir mon métier, c’est si vaste et large. Factuellement, un designer conçoit des produits/images lié.e.s à une commande. Pour le grand public, le designer est un artiste.
Je me sens davantage comme un médiateur, un facilitateur d’idées qui conçoit des images pour des personnes qui ont des besoins.
Avant la conception, il y a la réflexion, l’échange, le relationnel... ce sont des choses parfois absentes des études et que nous apprenons sur le tas, qui font que le rôle et la définition d’un designer dépasse la compétence de la conception.
En tout cas je souhaite bon courage aux futurs designers, aujourd’hui c’est complexe parce qu’il existe énormément de concurrence, cela fait quelques années qu’il y a un grand nombre de personnes sortant d’écoles d’arts appliqués qui sont sur le marché. Certains n’ont que le niveau BTS, donc peut-être est-ce un peu plus complexe pour eux de trouver du travail, car à titre personnel sans mon post-diplôme ça aurait été plus compliqué de rentrer dans la vie active.
Tout le monde se met en indépendant car peu d’agence prennent en CDI ou CDD d’où la nombreuse concurrence, mais il faut quand même beaucoup trier, puis réussir à avoir sa propre écriture graphique, pas toujours hyper simple non plus car on ne révolutionne pas le design graphique qui existe depuis très longtemps.
Mon conseil est d’essayer de savoir quelle est ta place et surtout d’avoir une bonne relation avec les clients, c’est ta relation humaine qui sera déterminante. Je pars du principe que si tu es diplômé d’une école ou d’un post-diplôme tu as le bagage nécessaire en tant qu’outil graphique pour réussir, mais créer une vraie relation avec la personne c’est encore quelque chose de différent et c’est peut-être ça le plus important. On est «au service de» mais l’objectif est que chacun s’y retrouve et prenne du plaisir à réaliser les projets et les services ou les recevoir. L’objectif est de créer un cercle vertueux pour tous qui permet au designer une activité pérenne sur le long terme.
Comment vois-tu la suite d’ici à 5 ans ?
Je suis indépendant et je travaille pour une agence donc j’ai une certaine insécurité d’emploi qui est une réalité du métier, on est plutôt sur un contrat moral. Dans 5 ans si je peux continuer avec l’agence ce serait parfait, il y a quand même de très gros projets qui me passionnent, l’atelier 59 est spécialisé dans la signalétique.
Si ce n’est pas possible je partirai mais là j’essaierai de trouver un travail dans une agence en tant que salarié, parce qu’en tant qu’indépendant c’est un peu compliqué, même si je travaille actuellement pour une agence je n’ai pas pu développer mes relations externes étant donné que je travaille à plein temps. J’essaie malgré tout de développer un maximum mon activité d’indépendant.
Un conseil à donner à tes successeurs à l’atelier ?
Essayez de ne pas prendre personnellement une remarque. Nous l’avons tous vécu, on met beaucoup de soi dans un projet donc lorsqu’il y a une critique négative, il est difficile de ne pas ressentir une attaque personnelle. Pourtant, cette critique peut vous servir si vous arrivez à dépasser cet aspect. Donc écoutez les professeurs, leurs avis et leurs conseils !
On s’en rend tous compte des années après lorsqu’on évoque nos études entre anciens étudiants.
Je n’y prêtais pas trop attention avant, mais avoir une méthodologie de travail a été tellement important à un moment de mon diplôme et est essentielle dans mon travail quotidien. Nous avons tous des process différent, mais essayer de trouver une organisation qui vous est propre et qui est surtout efficace.
L’objectif derrière cela est de maîtriser votre sujet de loin et de près, de la conception à la réalisation. Nous le ressentons instantanément lorsque vous maîtrisez un sujet. Ça vous permettra surtout d’être plus à l’aise lors de présentation. Vous serez alors à même de mieux rebondir si besoin.
Je terminerai par vous dire de produire, encore et encore. C’est la partie dans laquelle je m’amusais le plus, tenter avec tous les médiums possibles, tous les supports, etc. Les études sont un moment où il faut expérimenter même si ça ne fonctionne pas, la matière produite vous servira de quelconque manière à un instant T. En général vous aurez moins de temps pour expérimenter dans la vie active, donc profitez-en.
Prêt à venir faire un jury maintenant que tu es de «l’autre côté» ?
Je ne me sens pas légitime d’être jury, même si j’ai acquis de l’expérience, je me souviens des professeurs à l’époque ils avaient quand même une vision que je n’ai pas encore aujourd’hui je pense.
Ça m’intéresse en soi, je sais que depuis quelques années l’atelier a pas mal évolué notamment avec les workshops où il y a une transversalité totale des disciplines, de mon œil avec ce que j’ai vécu je pense que le contraste peut-être intéressant en terme de critique.