
Camille lagoarde
Site internetQuelques mots pour te décrire...
Je suis graphiste en agence de com’ spécialisée dans le design éditorial et illustratrice freelance.
Quel regard portes-tu sur ton parcours ?
Mon parcours scolaire post-bac a été relativement sinueux, je me suis beaucoup réorientée.
J’ai commencé par une licence de Psycho avec une spécialisation en pédopsychiatrie. ça ne m’a pas convenu. Je suis ensuite partie en Lettres Modernes avec au départ l’envie d’être prof dans le primaire. Tout au long de ma licence, j’ai évolué pour partir en édition jeunesse. J’ai eu ma licence, j’ai donc poursuivi en master pro au Mans dans l’édition jeunesse. Pendant la 1re année de master, je me suis aperçue que ce n’était pas tant la partie éditoriale que la partie fabrication et forme du livre qui m’intéressaient.
Je me suis donc réorientée vers les Beaux-Arts, au début, puis j’ai découvert l’atelier qui ouvrait. Je suis arrivée là-bas pour commencer mes études de graphisme option print, c’était vraiment une découverte !
Quelle place a eu l’atelier au sein de celui-ci ?
Décisive, je faisais déjà de l’illustration à l’époque, l’idée était d’ajouter de nouvelles cordes à mon arc, et surtout de me professionnaliser car en tant qu’autodidacte c’était encore un peu fouillis, c’était dans cette perspective là que je suis arrivée, par le biais de l’illustration à l'atelier. Au final, durant les deux ans, j’ai vraiment découvert ce qu’était le graphisme de manière générale et je suis tombée en amour pour le design éditorial, ce qui se rapproche de mon master, cela a fait écho. ça m’a permis de développer de nouvelles compétences, d’affiner ce que j’avais pu développer de mon côté et d’avoir une approche multi facettes du métier.
Une anecdote ou un souvenir particulier à nous raconter ?
C’est plutôt un ressenti général, je faisais partie de cette première promo où on était 20 dans l’école (plutôt atypique), nous avons bénéficié d’un petit cocon. Pouvoir dialoguer, que ce soit avec les élèves ou les profs, était un réel plus. De plus, j’avais un statut un peu particulier car j’étais plus proche en âge de certains profs que des élèves.
Quel rôle peut jouer le design dans la société actuelle ?
Un côté pratico pratique notamment que ce soit dans le design d’objet, design d’espace, la signalétique, le packaging...
Le design qui m’interpelle, c’est le design qui va t’amener à réfléchir et à créer quelque chose en toi, ça peut-être de l’émerveillement. C’est ce que je ressens vis à vis de certains livres, dont la fabrication est fascinante, autant que le propos. ça peut-être aussi en termes de prise de conscience avec le design engagé, où les designers prennent parti et s’appuient sur leurs compétences, leurs savoir-faire, pour parler de sujets de société. Il faut des équipes de designers pour porter ce type de message de manière efficace. Il y a un parti pris graphique, des illustrateurs et des designers qui prennent la parole. C’est important car nous sommes dans une société éminemment visuelle, outre l’aspect marketing, on a besoin de designers pour parler de ça.
Ta dernière émotion graphique ou artistique ?
C’est pas tant de l’émotion que du soutien. J’ai participé à une campagne de financement participatif pour soutenir le magazine Rockyrama, magazine dédié à la Pop Culture auto financé qui parle principalement de cinéma.
Magazine absolument génial tant le parti pris graphique est ultra assumé, à savoir full années 80, avec tout ce qu’il y avait de bon et de mauvais goût. Ils ont une manière d’aborder le cinéma très approfondie, mais aussi de manière étendue puisqu’ils vont notamment aborder le cinéma de Bong Joon-ho, ou bien le cinéma d’horreur avec l’illustrateur de Freddy les Griffes de la Nuit...
Ce genre de magazine là, je trouve que c’est essentiel. ça parle de culture de manière décomplexée où la forme est complètement au service du fond.
Comment vis-tu ta curiosité dans ce contexte actuel mis à mal depuis plusieurs mois ?
Si émotionnellement je l’ai super mal vécu, psychologiquement cela a été assez salvateur. Je me suis beaucoup appuyée sur l’illustration pour pouvoir extérioriser toutes les angoisses que ça me provoquait.
J’ai bossé tout le long du confinement, donc c’était pas tant dû au temps que j’avais, mais c’est vrai que j’ai encore plus regardé ce que faisaient mes autres copains, copines.
J’ai beaucoup écouté de podcast sur pas mal de sujets différents, sur le féminisme, mais aussi sur la créativité, avec «Sens Créatif» qui est porté par l’illustrateur Jérémie Claeys, qui interview des créatif.ive.s francophones, mais aussi étrangers qui parlent de leur parcours. Dans le même style, il y a le podcast «Nouvelle École», dans lequel des créatif.ive.s et des entrepreneur.e.s de tout bord présentent leur cursus, leurs échecs et leurs réussites. Ça a été l’occasion de s’ouvrir et de découvrir d’autres profils. Ce que j’aime beaucoup dans «Sens Créatif», c’est l’orientation sur les métiers de la création (illustrateur.rice.s, auteur.rice.s de BD...), c’est hyper intéressant de voir que même des gens qui sont reconnu.e.s, qui vendent des albums etc., son pétris de toutes les mêmes peurs et angoisses que n’importe qui (comme le syndrome de l’imposteur, etc.).
M’ouvrir à tous ces univers et creuser les parcours de mes confrères fût très enrichissant.
Une influence ou une référence à nous faire partager ?
Mon influence générale, c’est clairement l’édition jeunesse, ce sont mes influences et mes inspirations au quotidien.
Ce sont pour la plupart des illustrateur.rice.s contemporain.e.s, j’aime beaucoup Louise aka «lavilleetlesnuages» (pseudo insta) qui adopte un regard positif sur la vie. La création est souvent associée à la torpeur et à la noirceur de l’âme, c’est donc cool d’avoir l’extrême inverse.
Pendant le confinement j’ai beaucoup réorienté mon boulot autour du mouvement body positive, parce que ça me parle énormément et je pense que c’est aussi beaucoup dû aux illustrateur.rice.s de cet acabi, qui ont eux-mêmes cette démarche. J’avoue que je suis friande de créatif.rice.s qui s’inscrivent dans ce mouvement et apportent leur petite brique à l’édifice, quelle qu’elle soit.
Comment définis-tu ton métier aujourd’hui ?
Avant j’étais 100 % graphiste. ça va faire un peu plus de 4 ans que je suis dans la même agence de com’. Aujourd’hui, j’ai très envie de remettre l’illustration au cœur de mon métier. Maintenant c’est du 50/50 : 50 % graphisme ; le design éditoriale c’était déjà quelque chose qui m’intéressait et le fait d’être dans une agence qui est spécialisée là-dedans, j’ai forcément affiné, peaufiné toutes ces compétences, caler des textes à la virgule près (oui je suis ce genre de masochiste) ; et 50 % illustration.
J’essaie de développer l’illustration de mon côté (je fais un peu d’illustration à l’agence, mais c’est vrai que du fait de notre typologie de clients, ce n’est pas très fréquent), j’essaie de développer ça et de trouver les bons contacts dans l’édition et la presse.
Comment vois-tu la suite d’ici à 5 ans ?
Je me vois totalement en freelance bossant pour de l’édition, et la presse en tant qu’illustratrice et graphiste.
Un conseil à donner à tes successeurs à l’atelier ?
Être ultra curieux de tout, ne pas attendre qu’on apporte les choses sur un plateau d’argent, sinon on ne sort jamais du lot. On tombe alors dans une attitude passive et consumériste, ce qui est dommage car ça reste des métiers liés à une forme de passion quelle qu’elle soit, et c’est important de laisser vivre, sa passion.
Prête à venir faire un jury maintenant que tu es de «l’autre côté» ?
Carrément ! Mon syndrome de l’imposteur dirait non, que je ne suis pas légitime, mais j’adore la perspective pédagogique de mon métier.
© Portrait photographique réalisé par Simon LAGOARDE du studio WAAP!